** courrier des lecteurs du "Monde" daté du 24 mai
Depuis la destruction (sans conséquences humaines graves) des réacteurs de Fukushima par un tsunami catastrophique, le débat nucléaire se développe dans le « Courrier des lecteurs ».
Je relève cinq lettres depuis le 7 Mai. Deux (M. M... le 7 Mai, M. R... le 13 Mai) sont pronucléaires. Trois (M. R... le 13 Mai, M. B...19 Mai, M. C... le 19 Mai) sont antinucléaires.
Peut-on affirmer pour autant que 40% de vos lecteurs sont « pro », 60 % sont « anti ». Certes pas ! On sait bien que les « anti » sont des militants, utilisant toutes les ressources pour faire connaître leur point de vue. Les « pros » sont souvent des ingénieurs, techniciens, cadres, médecins, travaillant ou non dans cette industrie, mais que leur formation prédispose à comprendre ce dont il s’agit. Ces personnes répugnent à s’engager dans des actions militantes, sont discrets et isolés, et ne sont pas habitués ni incités à faire entendre leur voix.
La contestation hargneuse et largement manipulée du nucléaire ne remonte pas aux débuts de cette industrie, malgré le souvenir d’Hiroshima. En 1957 les vignerons de Chusclan baptisaient leur meilleur vin « Cuvée de Marcoule » en raison de la notoriété de l’usine de même nom. Le seul contestataire fut le philosophe Lanza del Vasto, en raison, non des dangers de l’usine, mais de sa finalité partiellement militaire.
En fait le déchaînement organisé contre le nucléaire, basé sur des risques supposés inacceptables pour l’environnement ou la sécurité, remonte au début des années 1970. Les trois lettres visées ci-dessus reprennent des arguments cent fois ressassés, dont l’exagération déraisonnable a été montrée de façon convaincante par des gens compétents, membres ou non de l’industrie correspondante.
Exemples d’arguments faux :
--les vertus des éoliennes et autres énergies « renouvelables » Le coût, l’irrégularité, les nuisances diverses de ces techniques supposées « propres » les condamnent à n’être, au mieux, qu’un appoint ;
--les ressources en Uranium et Thorium :
elles sont infinies dés lors que les surgénérateurs, qui marchent très bien même si leur nécessité économique n’est pas actuelle, entreront en service ;
--les dangers des déchets,
qui sont en fait parfaitement maitrisés ;
--les risques d’accidents de réacteurs,
qui sont réels mais dont Fukushima a montré que leurs conséquences sanitaires sont très faibles ;
--la possibilité de se passer du nucléaire :
une illusion devant l’épuisement de certaines ressources en combustibles, les risques pour le climat, la croissance de la population mondiale et de ses besoins, même si l’on admet que cette croissance est arrivée à son terme dans les pays développés ;
--le coût du démantèlement des installations en bout de course,
lieu d’évaluations fantaisistes que rien n’étaye ;
--les difficultés de démarrage de la filière EPR,
en voie de résolution, et explicables pour toute technique nouvelle.
Jean Günther
Ingénieur des Mines en retraite